03/09/2016

Le patrimoine mondial en haute mer vers un début de qualification

Des îles coralliennes englouties, des forêts tropicales flottantes, des volcans sous-marins ou encore des tours rocheuses aux allures de villes englouties : de tels sites ne peuvent aujourd’hui prétendre figurer sur la Liste du patrimoine mondial parce qu’ils sont situés en haute mer, en dehors de toute juridiction nationale. Un rapport lancé le 3 août par le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) explore les différentes manières permettant d’appliquer un jour la Convention pour la protection du patrimoine mondial à cette zone qui recouvre plus de la moitié de la planète.

Intitulé "Patrimoine mondial en haute mer : une idée qui fait son chemin" (World Heritage in the High Seas : An Idea Whose Time has Come), le rapport présente cinq sites qui illustrent la variété des écosystèmes, allant de la richesse de la biodiversité de ces espèces aux phénomènes naturels observables uniquement dans les fonds marins. Chacun de ces sites pourraient se voir reconnaître une valeur universelle exceptionnelle, notion au cœur de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, selon laquelle le caractère remarquable de certains sites transcende les frontières nationales. Ces cinq sites sont : le Dôme thermal du Costa Rica (Pacifique), une oasis océanique unique au monde qui sert de lieu de ponte et d’habitat à de nombreuses espèces menacées ; le Café des requins blancs (Pacifique), le seul lieu connu de rassemblement des requins blancs dans le Pacifique nord ; la mer des Sargasses (Atlantique), qui abrite un écosystème unique organisé autour d’une concentration d’algues flottantes ; le Champ hydrothermal de la Cité perdue (Atlantique), un lieu situé à 800 mètres de profondeur et surplombé de monolithes de carbonate pouvant atteindre 60 mètres de haut et l’Atlantis Bank, une île fossile immergée située dans les eaux subtropicales de l’océan Indien. "Au même titre que sur terre, les profondeurs et les zones les plus reculées de l’océan abritent des lieux uniques qui méritent d’être reconnus, à l’image de la reconnaissance attribuée au Parc national du Grand Canyon aux États-Unis, aux îles Galápagos en Équateur ou au Parc national Serengeti en Tanzanie", souligne Mechtild Rössler, directrice du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, dans la préface du rapport. Bien qu’éloignées des côtes, ces zones ne sont pas à l’abri des menaces, qu’il s’agisse du changement climatique, de l’exploitation minière des grands fonds, de la navigation ou encore des pollutions plastiques. Pour que ces sites puissent bénéficier de la reconnaissance et de la protection de la Convention de 1972 sur le patrimoine mondial, des modifications quant au processus d’inscription sont nécessaires car jusqu’à présent, seuls les États peuvent proposer des sites pour inscription. Or, ces zones situées en haute mer ne relèvent d’aucune juridiction nationale. Le Rapport explore trois pistes pour étendre, à l’avenir, la protection de la Convention aux zones en haute mer. D'après Dan Laffoley, conseiller principal en sciences et conservation marines pour l’UICN et co-auteur du rapport, "La haute mer présente une valeur exceptionnelle mondiale, bien qu’elle bénéficie de peu de protection. Cet espace est exposé à des menaces telles que la pollution et la surpêche. C’est pourquoi il est donc crucial de mobiliser la communauté internationale afin de garantir sa conservation sur le long-terme."

Ce travail a été rendu possible grâce à la Fondation Khaled bin Sultan Living Oceans et à Jaeger-LeCoultre. Il a également bénéficié du soutien de l’Agence française des aires marines protégées et de la Fondation Nekton.

pdf World Heritage in the High Seas : An Idea Whose Time has Come